Tribune
Les membres de l’Académie des lettres du Québec s’expriment sur l’un des sujets de l’heure. Retrouvez également les textes mensuels des membres du Devoir de littérature.
Hommages à Émile Martel
28 janvier 2022 – Jean-Claude Corbeil, des membres de l’Académie se souviennent.
« On se souviendra de Jean-Claude Corbeil d’abord comme d’un immense savant. La bibliographie des écrits de ce linguiste brillant, méticuleusement présentée sur le site que ses collègues de l’Université de Sherbrooke maintiennent à sa mémoire, est admirable. Mais plus admirable peut-être, et plus rare encore, est le fait qu’il ait accepté de mettre cette science au service d’une société que tout éloignait de sa langue, en se consacrant à toutes les causes qu’il avait décidé de servir pour la protéger… »
4 décembre 2021 – Marie-Claire Blais, « la plus haute destinée ».
Texte initialement paru dans Le Devoir du 4 décembre 2021. « J’ai rencontré Marie-Claire Blais il y a de nombreuses années, alors que nous étions toutes deux étudiantes aux cours d’été de l’Université Laval, où un professeur venu de Belgique, chanoine de son état, venait nous parler de Sartre et de Camus, au grand scandale des bien-pensants, relayés par les journaux de l’époque. Elle était là, timide et silencieuse, tout occupée à entendre les paroles de celui qui, dans les œuvres les plus subversives, s’attachait à capter la part d’inquiétude et d’humanité.… »
1 avril 2021 – Mon rapport à la langue française.
Texte initialement paru dans Le Devoir du 31 mars 2021. « J’ai toujours perçu le français comme un héritage sacré. Comme un héritage fragile aussi, menacé, qui demande des soins constants. Au Québec, le français a toujours été et restera un combat perpétuel. Cette pensée, loin de me déprimer, me stimule. Car la survie de notre langue a été chèrement payée par nos ancêtres. Chaque génération a pris le relais et y a contribué. C’est ce qui fait sa valeur à mes yeux… »
7 mars 2021 – Rejeter la lumière ou la créer ?
Témoignage à propos des effets de la pandémie sur les arts vivants, paru dans La Presse du 6 mars 2021. « À l’Usine C, en mars 2020, les acteurs brésiliens de l’exceptionnelle production de ma pièce Tom à la ferme doivent, en panique et par tous les moyens, quitter notre pays. L’angoisse est palpable. Les larmes coulent. Les accolades sont ultimes. Le rideau vient de tomber sur Tom na fazenda sans que les dernières représentations soient données. Un ennemi viral vient d’entrer en scène dans tous les théâtres du monde, condamnant des centaines de milliers d’artistes au désarroi et à l’aumône publique. Même les finissants en théâtre de Sainte-Thérèse ne joueront que la générale de Christine, la Reine-garçon, leur ultime production académique… »
20 février 2021 – Auteure ou autrice, l’un et l’autre se dit ou se disent…
Texte initilament paru dans Le Devoir du 20 février 2021. « Une question me taraude depuis quelques mois. Celle de l’emploi systématique, par les médias de langue française, à la suite du rapport portant sur la féminisation des noms de métier et de fonctions adopté le 28 février 2019 par l’Académie française, du terme « autrice » pour identifier ces femmes que nous avions l’habitude de désigner, depuis une quarantaine d’années, au Québec, comme des « auteures ». Ce rapport venait à point marquer une nouvelle attitude de la part de l’illustre institution qui, jusque-là, avait rejeté d’emblée « les formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc. » considérées comme des « barbarismes » (déclaration du 10 octobre 2014). Jusqu’à quel point s’agissait-il d’un changement de cap ? Jusqu’à quel point la recommandation était-elle coercitive ? … »
16 décembre 2020 – Pour une Maison de la littérature du Québec.
« Le sujet de la requalification de l’édifice de la Bibliothèque Saint-Sulpice revient à l’ordre du jour. À quel usage ce bâtiment pourrait-il servir ? Par un retour des choses, ce lieu au riche passé, première bibliothèque nationale, est la propriété de BAnQ. Pourquoi chercher plus longtemps et ne pas lui rendre sa vocation initiale ? La mission de BAnQ qui est de collectionner, conserver et diffuser le patrimoine documentaire coïncide avec cette construction. Ses objectifs de valoriser la lecture et de promouvoir l’édition québécoise trouvent leur prolongement à Saint-Sulpice. Ne pourrait-on pas lui donner une spécificité en axant son usage sur la littérature ?… »
11 décembre 2020 – Le jugement de Jean-Louis Baudoin sur l’affaire Yves Michaud est toujours d’actualité.
« Alors que l’affaire Yves Michaud, injustement condamné pour des propos qu’il n’a pas tenus, revient hanter les parlementaires, tous rappellent la justesse de la décision du juge Jean-Louis Baudouin de la Cour d’appel en 2006. Ce jugement annonce les conséquences néfastes des procès sommaires et des condamnations sur la place publique que permettent les réseaux sociaux… »
8 décembre 2020 – La bibliothèque Saint-Sulpice, ce cimetière d’idées.
Texte initialiement paru dans Le Devoir du 8 décembre 2020 « Lise Bissonnette, meneuse du projet de la Grande bibliothèque (GB) et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), a partagé avec Le Devoir (8 décembre) ses réflexions sur la bibliothèque Saint-Sulpice. Ce bâtiment patrimonial construit en 1914, et laissé à l’abandon depuis 2005, a vu s’éteindre la semaine dernière un énième projet — BAnQ Saint-Sulpice, une bibliothèque d’innovation axée sur les Fab Lab — qui devait mener à sa réfection. Qu’en faire, désormais ? Comment penser la revitalisation de cet édifice ? Propos recueillis par Catherine Lalonde…»
16 novembre 2020 – Les Prix de l’Académie des lettres du Québec. Réflexions des président·es des jury.
« On soutient de plus en plus fortement le patrimoine architectural du Québec menacé de disparition, mais on a moins conscience de son patrimoine immatériel. Comme il existe de somptueuses demeures beauceronnes qui témoignent d’un certain état passé de la culture québécoise, il existe une Académie des lettres du Québec : les quatre prix littéraires qu’elle attribue chaque année sont identifiés par des noms qui n’évoquent sans doute plus rien de très vivant pour la majorité des esprits actuels. Pourtant, sous cette poussière onomastique, le patrimoine immatériel qu’est une Académie continue non seulement de vivre par ses membres, mais de vivifier la littérature et la culture québécoises.…»
26 octobre 2020 – Le français a besoin d’un redressement radical.
Texte initialement paru dans Le Devoir du 23 octobre 2020. « Comme bien d’autres nations, le Québec s’est retrouvé, avec la mondialisation, devant un défi nouveau. Cette fois, ce sont plus que des membres de l’élite qui sont interpellés pour faire l’apprentissage de la langue anglaise. Soucieux de rester en phase avec un monde qui se refait rapidement et devient de plus en plus envahissant, la plupart des Québécois francophones sont désormais concernés. En d’autres mots, l’apprentissage de l’anglais devient rapidement un phénomène collectif, avec tous les risques que cela comporte pour une culture minoritaire comme la nôtre… »
23 octobre 2020 – L’injure maudite dans le poème.
Texte initialement paru dans Le Devoir du 23 octobre 2020. « J’ai été pendant plus de trente-cinq ans professeur de poésie. Il m’est arrivé dans certains de mes cours de parler de ce long poème d’Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, un des plus grands de langue française au 20e siècle. La poésie de Césaire a influencé des Québécois, dont Paul Chamberland, qui s’est inspiré du poète martiniquais dans son propre poème L’afficheur hurle et qui a même rendu visite au poète, maire de Fort-de-France – une visite qui a fait l’objet d’un film de Jean-Daniel Lafond, La manière nègre, auxquels participent aussi plusieurs intellectuels québécois. Ce film est un document émouvant et passionnant, qui nous renvoie forcément au grand poème de Césaire.… »
5 octobre 2020 – Un exemple de faux débat : notre rapport à la France et aux Amériques.
« Dans l’histoire récente des idées au Québec, la compréhension de notre rapport à la France et aux Amériques a été et demeure le lieu de deux malentendus qui ont embrouillé une importante réflexion sur notre avenir culturel. Je suis toujours étonné de lire encore aujourd’hui dans des textes parfois agressifs que, de concert avec d’autres intellectuels (dont Yvan Lamonde et Bernard Andrès), je me serais efforcé de détruire notre ancien rapport à la France, ce qui serait la source d’une partie de nos maux actuels. Que s’est-il passé exactement?… »
3 avril 2012 – Claude Lévesque 1927-2012 – En mémoire d’un philosophe libre.
Texte initialement paru dans Le Devoir du 3 avril 2012. « Claude Lévesque fut un des premiers philosophes ici à porter un nom propre, à assumer une signature, à penser dans une écriture dont il assumait la singularité. Il n’avait aucun prédécesseur et dans le désert régnant il parla seul. Dans ses cours, mais aussi à la radio où il fit entendre une parole forte, sans concessions. Plusieurs voix nouvelles, inaudibles jusqu’à lui, soudain parlaient avec lui, à travers lui… »